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A Chinese Ghost Story (Wilson Yip, 2011)

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Étrange Festival 2012 : Compétition internationale.

L’histoire du cinéma de Hong Kong a beau être peuplée de remakes, qui sont parfois de très grands films entre certaines mains, il y a certaines institutions auxquelles il ne vaut mieux pas se frotter. C’est le cas d’Histoires de fantômes chinois, le chef d’œuvre de Ching Siu-tung et symbole du succès du système Tsui Hark qui perd son âme devant la caméra du pourtant très bon, mais pas infaillible, Wilson Yip. Ce Chinese Ghost Story 25 ans après l’original a perdu des ingrédients fondamentaux en cours de route.

Ce remake qui n’a pas vraiment lieu d’être est pourtant porté par une saine équipe, avec Wilson Yip, réalisateur de talent apparu grosso modo lors de la nouvelle vague de la fin des années 90, ainsi qu’un scénariste habitué de l’exercice, Charcoal Tan, formé à la Film Workshop de Tsui Hark et dont le nom se trouve au scénario de deux épisodes d’Il était une fois en Chine (2 & 3) mais surtout L’auberge du dragon, remake du classique Dragon Gate Inn de King Hu sous l’égide de Tsui Hark (dont le dernier film La Porte du dragon en est un nouveau remake). A Chinese Ghost Story vient donc de la plume de celui sans doute le plus à même de livrer une brillante relecture d’un classique devenu jalon cinéphile essentiel pour quiconque s’intéresse au cinéma de Hong Kong, le magnifique Histoire de fantômes chinois. Manque de bol, ce remake motivé par les pires des raisons, simplement financières, n’arrive pas vraiment à la cheville du monument malgré tous ses efforts pour renouer avec un cinéma qui est aujourd’hui enterré. Il lui manque les génies créatifs de la Film Workshop et cette motivation de révolutionner toute une industrie avec des moyens limités, ne reste qu’une copie pas honteuse mais sans âme, produite sans cette passion qui mène aux miracles.

a chinese ghost story 1 A Chinese Ghost Story (Wilson Yip, 2011)

Quand Tsui Hark et sa team pondaient un remake, c’était pour dynamiter le cinéma et proposer une relecture fondamentalement différente. Quand Wilson Yip fait A Chinese Ghost Story, il refait le même film en moins bien et les apports censés bouleverser l’œuvre originale sont assez mal sentis. Ainsi l’histoire d’un amour interdit entre un être humain ( un fonctionnaire) et un démon sous forme féminine se transforme en un drôle de triangle amoureux qui brise net tous les enjeux dramatiques. C’est assez tragique car l’émotion voulue lors de ces grands élans lyriques et romantiques, jamais très fins mais remplis de bonne volonté, est littéralement tuée dans l’œuf par l’introduction du film et cette romance antérieure à celle qui occupe la majorité du récit. En gros, l’histoire d’amour qu’on veut nous raconter, on s’en fout un peu car on sait très bien qu’il y en a une plus forte encore mais qui est malheureusement dormante. Cela donne un tout autre film et Wilson Yip se perd un peu dans ses intentions, entre la reproduction d’un schéma connu qui ne fonctionne pas ici et un nouveau ton qui tente d’exploiter la relation délicate entre les deux hommes amoureux de la même femme. Rien à faire, ce qui caractérisait l’original, à savoir sa poésie et son émotion, sont ici aux abonnés absents en laissant place à une réminiscence de kung fu ghost comédie pas désagréable en soi mais dont l’héritage du titre s’avère bien trop pesant. Les clins d’œils ou hommages bienveillants à l’original sont bien entendu de la partie, entre les costumes reproduits à l’identique, les décors qui rejouent intelligemment la carte du carton-pâte, les mouvements câblés et le thème musical jadis chanté par Leslie Cheung qui est ici repris par deux fois. Mais avec un propos central qui s’est perdu entre temps, ces clins d’œils tiennent plus du cheveu sur la soupe que d’autre chose. Il ne faut pas se faire d’illusion, on n’est pas là face à l’œuvre de créateurs mais face à un produit calibré de A à Z et qui capitalise sur un des plus gros succès du cinéma HK dans le monde. En fait le film est à l’image de son interprète principal Yu Shao-Qun, acteur montant du cinéma populaire chinois (à l’affiche des prochains films de Lu Chuan et Andrew Lau) qui reprend péniblement le rôle de Leslie Cheung, et à qui il manque à peu près tout : le charme, la présence et l’énergie. Il est fade, il n’est qu’une faible copie et c’est bien tout le problème d’A Chinese Ghost Story, vaste copie bien trop fade malgré ses quelques gros morceaux de bravoure.

a chinese ghost story 21 A Chinese Ghost Story (Wilson Yip, 2011)

On sent pourtant que Wilson Yip, capable du meilleur (SPL, Ip Man) mais pas que, a envie de bien faire, libéré des productions tenues par la star Donnie Yen. On sent aussi qu’il aurait aimé faire partie de l’aventure de la Film Workshop de l’époque, de travailler les textures, de représenter la fantaisie sans limite autre que celle de l’imagination des créatifs et du budget. Il tente ainsi tout le long, appuyé par le travail conséquent d’Arthur Wong à la photographie (une référence qui éclaire les films HK depuis 35 ans, de La 36ème chambre de Shaolin aux Seigneurs de la guerre, en passant par Il était une fois en Chine ou Iron Monkey), de reproduire cette mise en scène typique du cinéma de Hong Kong des années 80/90 sous l’impulsion de Tsui Hark et sa team, avec la quasi totalité des plans cadrés en dutch angle, l’utilisation de fumées et de feuilles d’arbres, du grand angle, des lumières de couleur, du vent, des mouvements de caméra un peu fous, des combats virevoltants et câblés, des accélérations, le tout aidé par des effets visuels qui marient le vieux et le moderne, parfois très chouettes mais parfois très moches. l’hommage est un brin pesant et empêche Wilson Yip de développer sa propre grammaire qui ne ressemble qu’à un best-of de ce qui faisait à la grande période créative de Hong-Kong, du recyclage jusqu’au bout donc. On ne s’ennuie pas vraiment, notamment car les séquences d’action ont quand même de la gueule. On est à Hong-Kong donc on sait plus ou moins cadrer des combats, mais il n’y a pas non plus de quoi crier au génie tant on reste dans le domaine du déjà vu il y a 20 ans. Coté acteurs, Yu Shao-Qun et Liu Yi-Fei font bien pâle figure face au souvenir du regretté Leslie Cheung et de Joey Wong, un des plus beaux couples formés au cinéma. Toutefois, Liu Yi-Fei parvient à trouver une variation du rôle de démon parfois très juste. Louis Koo assure comme d’habitude avec sérieux malgré un rôle très mal écrit, et c’est du côté des seconds rôles qu’on trouve les plus belles performances. Fan Siu-Wong est assez génial en chasseurs de démons infirme, donnant lieu à des chorégraphies spécifiques qui ne sont pas sans rappeler certains mouvements de The Blade, tandis que Kara Hui, l’éternelle “Tante” du cinéma HK est en roue libre et assure le show dans la peau de la reine des démons. Pas mal de bonnes choses, un traitement visuel pas inintéressant, une certaine énergie déployée, mais l’héritage d’Histoire de fantômes chinois est bien trop lourd à porter pour ce remake inutile et tout lisse.


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