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Man of Tai Chi (Keanu Reeves, 2013)

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Quand un acteur, aussi doué soit-il, passe à la réalisation, il y a toujours cette petite appréhension liée au fait que ces deux métiers en contact permanent n’ont définitivement rien à voir. C’est au tour du très, trop, rare Keanu Reeves de s’y essayer. Une nouvelle occasion d’explorer ses racines asiatiques, mais également de s’offrir un vrai rôle de bad guy caricatural au possible. Le tout pour aboutir sur une sorte de série B gonzo débridée, bête et méchante, bien plus proche de Bloodsport que du Maître d’armes.

Man of Tai Chi 1 Man of Tai Chi (Keanu Reeves, 2013)Acteur sous-estimé et cinéphile au regard tourné vers l’avenir, Keanu Reeves était attendu au tournant pour sa première réalisation. Man of Tai Chi s’annonçait pendant un temps comme une petite révolution dans le déploiement technologique pour filmer l’action, avec des caméras robotisées ultra modernes et l’immense Yuen Woo-ping pour superviser tout ça avec les chorégraphies impériales dont il a le secret. Les aléas de la production entre les USA et la Chine étant ce qu’ils sont, le défi technologique a dû laisser la place à une approche bien plus classique du film de baston. Devant la caméra de Keanu Reeves, c’est un peu les actioners bourrins et crétins des années 90 qui reviennent sur le devant de la scène, à travers un exercice de style complètement bis et décérébré, et qui ne trompe pas sur la marchandise.

Man of Tai Chi 2 Man of Tai Chi (Keanu Reeves, 2013)

Du vrai cinéma gonzo en somme, avec un scénario qui ressemble plus à un prétexte à aligner de longues séquences de combats qu’à autre chose. La trame narrative est des plus classiques, suivant le parcours du héros Tiger, entre descente aux enfers et rédemption. Le schéma n’a rien de bien nouveau et suit un parcours extrêmement balisé : mise en place, gloire du héros, tentation du mal, affrontement avec le maître/père, découverte du pot aux roses et du mal absolu, rébellion et rédemption. Soit tous les éléments nécessaires à tout actioner old school incluant des arts martiaux qui se respecte. Là où Man of Tai Chi diffère légèrement du tout venant du genre, c’est dans sa tentative d’inclure un propos solide sur la philosophie derrière la pratique du tai chi, ici montré comme un art martial et non un exercice zen pour bobos. C’était déjà le cas dans Tai Chi Master, de Yuen Woo-ping justement, mais qui traitait le sujet via le prisme du film en costumes. Toujours est-il qu’à travers les égarements de Tiger se dessine un propos assez solide sur les valeurs véhiculées par les arts martiaux traditionnels et leur perversion progressive au profit d’un sport-spectacle dénué de toute valeur. Keanu Reeves adopte toutefois un point de vue presque ambigu en justifiant les actes répréhensibles de son héros par sa volonté de sauvegarder certaines valeurs ancestrales (le temple, symbole du savoir).

Man of Tai Chi 3 Man of Tai Chi (Keanu Reeves, 2013)Quelque part, Man of Tai Chi rejoindrait presque l’excellent Maître d’armes de Ronny Yu, même si son traitement gonzo fait passer la réflexion sur le respect des traditions et de la philosophie des arts martiaux au second plan. Plus étonnant, Keanu Reeves se permet de véritables saillies critiques envers l’administration chinoise et particulièrement ses tendances à la corruption, même si la conclusion vient tout remettre dans le bon ordre des choses. Mais finalement, l’intérêt véritable de Man of Tai Chi se situe ailleurs, dans son premier degré salvateur, pas loin d’être bête et méchant mais avant tout très efficace. C’est même très précisément dans ses combats que le film en impose assez majestueusement, se posant ainsi en pur film d’action old school dans lequel les séquences d’action s’enchaînent logiquement jusqu’à composer une mosaïque de combats plutôt qu’un récit inutilement complexe. Le scénario montre d’ailleurs de sérieuses failles, des facilités un brin gênantes et un recours systématique à des éléments vus mille fois et ne reposant jamais sur le moindre effet de surprise.

Man of Tai Chi 4 Man of Tai Chi (Keanu Reeves, 2013)

Les combats constituent donc le principal attrait de la chose, et ce à différents niveaux. Si Keanu Reeves se montre légèrement pataud lors d’un affrontement pourtant essentiel, Tiger Chen Hu fait étal de capacités martiales remarquables. Celui qui fut cascadeur sur Matrix Reloaded et Revolutions, mais également sur Tigre et dragon, se montre comme un acteur plutôt solide même s’il parait difficile de le voir dans un autre type de rôle. Mais dans un film de ce type, tout ce qui lui est demandé est d’assurer côté combats, ce qui est largement le cas. La différence majeure entre Man of Tai Chi et tout autre film de baston venu des USA tient dans le fait que les acteurs savent se battre et se transforment en une matière filmique formidable pour le directeur des combats. Yuen Woo-ping s’en donne ainsi à cœur joie en faisant s’affronter différents styles façon MMA entre spécialistes. Les combats sont longs, violents, les coups ne sentent jamais le fake. Le plus intéressant étant que les combattants étant de vrais combattants, Keanu Reeves et son action director peuvent se permettre de limiter les cuts et de profiter de plans larges mettant en avant les chorégraphies. La mise en scène des scènes de baston se montre d’ailleurs des plus intéressantes, avec une approche très organique des mouvements de caméra qui adoptent la fluidité des mouvements du tai chi et accompagnent les coups portés. Une petite déception toutefois, le combat plus qu’attendu entre Tiger Chen Hu et qui n’aura jamais vraiment lieu en intervenant au pire moment au niveau de la narration. Ceci étant dit, ce petit film de tournoi plutôt bien mis en scène, pas très bien éclairé mais truffé de séquences de combat souvent impressionnantes, remplit son contrat : utiliser un script qui n’a rien de génial pour mettre en valeur de grosses scènes de baston, un pur actioner comme il ne s’en fait plus beaucoup et qui ne travestit jamais la philosophie qu’il véhicule pour les arts martiaux en général et le tai chi en particulier.


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